Initiatives : des cépages résistants pour une viticulture durable

Des cépages résistants pour une viticulture durable
Des cépages résistants pour une viticulture durable, en réduisant jusqu’à 90% l’utilisation des traitements phytosanitaires et notamment des fongicides

Depuis 2011, des expérimentations sont conduites notamment en Languedoc pour développer des variétés de cépages moins vulnérables aux maladies. L’objectif, réduire jusqu’à 90% l’utilisation des traitements phytosanitaires et notamment des fongicides. Explications…

La vigne occupe 3,7% de la surface agricole utile et consomme près de 20% du volume de pesticides. C’est la troisième culture en France dans le recours aux traitements. Or, l’utilisation systématique des produits phytosanitaires est responsable d’impacts environnementaux comme la pollution des sols et de l’eau, la baisse de la biodiversité et les émissions de gaz à effets de serre. Elle représente également des risques sanitaires pour les agriculteurs, les riverains et les consommateurs.

Une véritable pression sociétale

La viticulture est d’ailleurs régulièrement pontée du doigt par des campagnes médiatiques sur les conséquences de l’usage des produits phytosanitaires sur la santé humaine. Or, la proximité d’un certain nombre de riverains avec les vignes, conséquence la pression urbaine, exacerbe ces tensions. « On a tous en mémoire le débat sur la mitoyenneté des parcelles viticoles bordelaises avec les écoles ou les maisons. Aujourd’hui, les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés à une réduction des pesticides pour protéger leur santé et leur l’environnement » souligne Claude Vialade, présidente et fondatrice des Domaines Auriol.
Face à ce phénomène, les pouvoirs publics ont initié en 2009 un vaste programme d’action, sous la forme du plan Ecophyto qui vise à diviser par deux la consommation des pesticides en agriculture et plus particulièrement en viticulture à l’horizon 2025 (initialement 2018).

Les cépages résistants comme LA solution

Pour y parvenir, l’innovation variétale apparaît aujourd’hui comme une voie prometteuse, explique Claude Vialade. « L’amélioration des outils et techniques de pulvérisation permet désormais de réduire l’utilisation des pesticides de l’ordre de 30 %. Mais l’évolution du matériel végétal, à travers  notamment le développement de cépages résistants aux champignons oïdium et mildiou, permet quant à elle, une baisse de plus de 75 %  de l’usage des ces mêmes produits ». Ces cépages constituent donc indéniablement  un levier de réduction performant pour réduire ces intrants chimiques « d’autant plus efficace que 80% des pesticides utilisés en viticulture sont des fongicides, qui ciblent majoritairement ces deux champignons » ajoute la présidente des Domaines Auriol.

La création de nouvelles variétés

Toutefois, la quasi-totalité du vignoble français est aujourd’hui composée de variétés issues de la sélection clonale intra Vitis Vinifera, espèce traditionnelle européenne dans laquelle on ne trouve pas ou très peu de résistances au mildiou et à l’oïdium. Des programmes de recherche ont donc été lancés depuis une quarantaine d’années dans plusieurs pays (France, Allemagne, Suisse, Italie, Hongrie…) pour la création d’hybrides, issus d’un croisement sexué entre les variétés de l’espèce Vitis Vinifera, apportant des qualités organoleptiques et une ou plusieurs espèces de vignes sauvages, qui amènent une résistance aux maladies. Plusieurs de ces programmes arrivent à terme et des hybrides résistants sont déjà accessibles aux viticulteurs.

Des vignerons qui tentent l’expérience

« Depuis 2017, les vignerons qui le souhaitent peuvent ainsi utiliser des cépages étrangers résistants déjà élaborés, ou implanter de nouvelles innovations variétales développées par l’INRA et ensuite commercialiser leurs vins issus de ces nouvelles variétés » souligne Claude Vialade, qui a elle franchi le pas en 2012.
Les vignerons sont de plus en plus nombreux à vouloir tenter l’expérience, notamment en Languedoc. Une quinzaine d’entre eux se sont ainsi engagé à planter des cépages résistants sur leurs propres parcelles, totalisant ainsi plus de 20 hectares dans l’Aude, l’Hérault et le Gard. 
Il faut dire que ces cépages sont particulièrement intéressants pour les vignerons eux-mêmes. « Outre leur résistance  aux maladies, certains cépages résistants proposent également des  rendements plus importants » remarque la présidente des Domaines Auriol.
Les cépages résistants  induisent par ailleurs un gain financier grâce à l’économie de traitements, avec toutefois quelques réserves selon Claude Vialade. « Certes, passer de 8 à 3 traitements est particulièrement intéressant, notamment pour des raisons économiques, mais  ces économies de traitements viennent compenser l’absence de primes à la plantation ».

Claude Vialade fait le pari des vins issus de cépages résistants
Claude Vialade dirige, avec son fils Jordi Salvagnac, l’entreprise familiale Les Domaines d’Auriol, basée à Lézignan, dans les Corbières. Précurseur dans le domaine du bio  l’entreprise tient également une longueur d’avance sur le plan de l’innovation. « Depuis 2012 nous avons mis en place un vignoble expérimental de 10 ha sur le domaine du Château Cicéron. Celui-ci est dédié à la recherche, avec un objectif, trouver l’équilibre optimal entre la vigne, la terre et le climat » explique la productrice. Plusieurs essais y sont régulièrement organisés pour tester notamment la résistance à la sécheresse de différents clones et porte-greffes sur différents types de sol. « Nous avons également implanté une variété de cépage résistants aux maladies fongiques, le muscaris. L’objectif est d’observer son comportement sur nos terres avant de pouvoir à terme les commercialiser » assure t-elle.

Une alternative qui fait encore débat

Toutefois, des incertitudes, débats et controverses se multiplient depuis quelques temps, notamment à propos de la stabilité des résistances obtenues, des stratégies de sélection, des conséquences de ces hybrides sur les pratiques viticoles ou encore des types de vins élaborés et leur image de marque…
Par ailleurs, il y a incontestablement en France un véritable attachement aux cépages traditionnels. « Changer de cépage impacte bien plus que de changer de porte-greffe ou simplement de techniques de vinification car on touche là cœur, c’est-à-dire au matériel végétal. Pour certains, les cépages Vitis Vinifera actuels font partie du patrimoine » souligne Claude Vialade.
Enfin, il persiste au sein de la filière elle-même mais également et surtout  auprès des consommateurs, une image négative sur les hybrides.

Améliorer la communication

Une solution proposée consiste à renforcer la communication auprès du grand public. « Convaincre toute la filière professionnelle d’introduire ces variétés sera un travail de très longue haleine et il va falloir déployer des argumentaires en faveur de l’implantation de ces variétés. Il est donc essentiel de mettre en place une véritable campagne de valorisation, tant auprès des professionnels que des consommateurs » conclut la présidente des Domaines Auriol.

La plus grande collection de cépages du monde se trouve dans l’Hérault !
Le Centre de Ressources Biologiques de la Vigne (CRB-Vigne) de Vassal-Montpellier constitue de par sa taille et sa richesse, le conservatoire de référence au niveau mondial.
Créée en 1876 à l’Ecole d’Agriculture de Montpellier (aujourd’hui Montpellier SupAgro), cette collection est implantée depuis 1949 sur le Domaine de Vassal, à Marseillan-plage, où elle a été progressivement enrichie.
Depuis 140 ans, cette collection n’a en effet cessé d’être complétée par des dons (anciennes collections locales, viticulteurs, pépiniéristes, amateurs, etc.) ainsi que par diverses prospections réalisées en France avec les partenaires régionaux et à l’étranger par des scientifiques ou grâce à des instituts de recherche.
Elle est aujourd’hui composée de plus de 7800 accessions, dont 2 700 cépages et 1100 hybrides, provenant  de 54 pays viticoles. Cette richesse et cette diversité en font une collection ampélographique unique au monde.

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