Nouvel engouement pour le mondial du vin biologique

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Nicolas Richarme, président de Sudvinbio — Photo © Sudvinbio

L’association Sudvinbio organise chaque année le salon Millésime Bio, le plus grand événement au monde dédié au vin bio. Cette année la 27ème édition se tiendra du 27 au 29 janvier 2020. Retour sur ce rendez-vous incontournable avec Nicolas Richarme, président de Sudvinbio.

La pression sociétale forte en matière de bio oblige les producteurs à modifier leurs pratiques culturales. Comment ce phénomène se traduit-il sur le marché des vins Bio en France ?

Il y a en effet une pression sociétale qui se traduit par une demande de plus en plus forte, non seulement de la part des consommateurs, mais également au niveau des metteurs en marché. Mais il faut préciser que l’élan vers le bio, dont nous sommes témoins, ne vient pas que de cette pression. Il s‘agit surtout d’une réelle prise de conscience des vignerons de l’intérêt d’une agriculture plus verte, plus respectueuse de l’environnement, mais aussi de la santé du vigneron lui-même, de sa famille, du voisinage, et des consommateurs. Ce choix découle d’une éthique personnelle, d’une conviction profonde que l’agriculture biologique correspond au modèle de l’agriculture durable et éthique. Cette motivation gagne du terrain avec une très forte hausse du nombre des conversions à l’Agriculture Biologique, et nous sommes fiers de voir que la France (+888 exploitations 2018 par rapp. 2017), et particulièrement l’Occitanie (+335 2018 par rapp. 2017), y jouent un rôle de véritable moteur. (Chiffres agence Bio 2019)

Cet engouement pour les vins bio a-t-elle une répercussion directe sur le salon Millésime Bio ?

Le salon reçoit de plus en plus de demandes de participations et de visiteurs (plus de 50 nationalités convergent à Millésime Bio). Cette 27ème édition accueillera 1 300 exposants, soit 10% de plus que la précédente, représentant 22 nationalités. Etant réservé par manque de place aux vignerons certifiés, le salon se voit toujours obligé de fermer ses portes aux vignerons en conversion, même si les demandes des nouveaux convaincus sont nombreuses. Face à cette demande accrue, le salon doit aussi se moderniser, se professionnaliser encore davantage. Ainsi sera dévoilé à l’ouverture du salon un tout nouveau mobilier, au design exclusif pour Millésime Bio. De plus une plateforme digitale interactive « salon 4.0 » a vu le jour avec un objectif d’efficacité et de gain de temps.

Cet engouement ne s’applique pas qu’au milieu du vin. Quelle place le salon Millésime Bio fait-il aux produits bios dans leur ensemble ?

L’écologie est un enjeu principal de notre époque et touche énormément de secteurs ; Millésime Bio a su s’y adapter en accueillant depuis son édition 2019 d’autres boissons alcoolisées biologiques, qui partagent cette même tendance.

Comment analysez-vous l’évolution des attentes des consommateurs français ?

Nous sommes dans une période marquée par le « moins mais mieux » : le consommateur français est prêt à payer plus cher (33% de plus que pour un vin conventionnel, avait indiqué l’étude Millésime Bio 2019) pour un produit qui apporte une garantie à la fois de qualité et de sécurité alimentaire et de souci de l’environnement.
Les vins en Agriculture Biologique correspondent à cette exigence du « mieux boire ». La France va en effet devenir le premier consommateur mondial de vin bio à partir de 2021. De manière plus générale, le chiffre d’affaire de l’alimentation bio en France a progressé de 15% entre 2017 et 2018 (chiffres Agence Bio 2019) cela témoigne d’une conscience environnementale accrue : le choix du bio est une conduite citoyenne, en faveur de la transition écologique. Le logo CAB pour les vins d’Occitanie en Conversion à l’Agriculture Biologique, créé par Sudvinbio en 2018 en est une preuve supplémentaire : le consommateur est prêt à dépenser un peu plus pour un vin dès la conversion. Il s’agit là d’un geste militant d’accompagnement des vignerons qui s’engagent dans cette démarche, un réel soutien pendant cette période économiquement difficile des trois années de conversion.

Et au niveau mondial, quels sont les tendances qui se dessinent ?

A l’international on observe le même engouement. La demande  ne cesse de progresser, alors que la consommation de vin non bio diminue. Le marché mondial a ainsi atteint 3,3 milliards d’euros sur un total de 165,8 milliards d’euros. De l’ordre de 1,5 % en 2013, la consommation de vin bio dans le monde va représenter 3,5 % du marché mondial en 2023.
Cette augmentation est largement portée par l’Italie et l’Espagne. A eux seuls, ils totalisent la moitié de la consommation de vin bio sur la planète. En réponse à cette forte demande, les deux pays vont considérablement accroître leurs surfaces certifiées bio. En Espagne, la production devrait ainsi progresser de 76 % et de 30% en Italie.

Quels sont, selon vous, les freins qui persistent et pourquoi ?

Les taxes, le Brexit et les différentes contraintes d’importation sont de réelles contraintes économiques, mais qui concernent toute la filière vin et pas uniquement les opérateurs en Agriculture Biologique. Les freins à la conversion sont davantage techniques. Parmi ceux-là, un des principaux reste la lutte contre la flavescence dorée et les moyens très limités en Agriculture Biologique pour lutter contre la cicadelle, qui est le vecteur de cette maladie. De plus, le passage à l’Agriculture Biologique requiert une connaissance plus pointue des techniques viticoles, d’où la nécessité de formations sur le sujet. Sudvinbio a aussi cette mission auprès de ses adhérents, en mettant à leur service l’expertise de techniciens en viticulture et en œnologie.
Enfin, par rapport au conventionnel, la viticulture biologique représente un surcoût en main d’œuvre important, 1,5 fois supérieur à la viticulture conventionnelle, selon l’étude Millésime Bio 2016. Avec ces contraintes, combinées effectivement à celles du marché, il faut saluer le mérite des vignerons qui franchissent le pas…

Quels sont les marchés les plus exigeants et comment les aborder ?

Il n’y a pas véritablement de marchés plus exigeants que d’autres. Tous sont différents et s’abordent différemment.
Prenons d’abord l’exemple des monopoles (canadien, scandinaves…), pour lesquels le processus est très spécifique, passant par un appel d’offres, et donc très différent de l’accès à un marché libre. Les exigences sont différentes également sur certains pays qui demandent une double certification, française et locale : la certification NOP aux Etats-Unis, le Bourgeon Suisse…Dans tous les cas, il s’agit de bien étudier chaque marché et ses particularités pour avoir une chance d’y prospérer.

Dans le contexte du changement climatique, comment les producteurs s’organisent pour s’adapter ?

La problématique du changement climatique est générale et nous concerne tous, bio comme conventionnels. Les recherches en cépages résistants en sont encore au stade de développement et représentent une alternative à moyen voire à long terme. Et résistants, ils le sont plus aux maladies qu’à la sécheresse. L’avantage en Agriculture Biologique est l’importance du travail du sol, qui, en permettant à la plante d’aller chercher ses ressources en profondeur, l’aide à résister à la sécheresse.

Quels sont les nouveaux enjeux face à ces changements climatiques ?

Le vignoble va effectivement se développer sur les latitudes plus élevées et les zones actuelles devront s’adapter en allant chercher de nouveaux modes de production. Le principal enjeu est la maitrise de la ressource en eau. L’irrigation, tout en étant une solution possible, suscite des questions éthiques. La recherche de solutions pour contrer les effets du changement climatique doit faire partie des priorités, le métier de vigneron est en train de changer.

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