Dans les coulisses d’une conversion bio

La conversion en viticulture bio : une démarche moderne et écologique
La conversion en viticulture bio : une démarche moderne et écologique

Tout vigneron qui souhaite produire du vin issu de raisins biologiques doit d’abord convertir son domaine au mode de production biologique. Une période transitoire longue et fastidieuse mais nécessaire. Explications…

Avant la conversion à la viticulture biologique

La phase de réflexion
Avant de prendre la décision de s’orienter vers l’agriculture biologique, une réflexion profonde s’impose. « La conversion à l’agriculture biologique ne s’improvise pas. Il s’agit d’un remodelage progressif de son domaine sur les différents plans de la production et de la commercialisation. Il convient donc de bien réfléchir sur l’implication de cette démarche, pour être certain d’anticiper tous les enjeux » remarque Jérôme Castillon, vigneron en conversion depuis deux ans au Domaine l’Ermitage à Saint-Gilles.

Définir précisément son projet
Une fois cette approche mûrement réfléchie et validée, le vigneron doit réaliser un diagnostic afin d’évaluer les conséquences techniques, économiques et sociales du passage en bio sur son exploitation. Il doit également formaliser précisément son projet de conversion (réalisation d’une étude technico-économique sur 5 ans permettant de mesurer les conséquences du passage à l’agriculture biologique). « Le parcours entre l’idée et la concrétisation de son projet peut être long mais le respect de ces différentes étapes est important pour réussir sa conversion » assure Emma Carrot, conseillère viticole à la Chambre d’Agriculture de l’Hérault.

Se faire accompagner
Pour toutes questions techniques, contacts dans les filières bios ou pour évaluer la faisabilité de son projet de conversion le vigneron peut bien évidemment se faire accompagner.
Il est également encouragé à rencontrer et échanger avec des techniciens et d’autres producteurs bio mais aussi à participer à des journées de formations techniques (voir page 9).

Les démarches administratives de la conversion bio

Une fois son projet finalisé, il ne reste plus alors qu’à entreprendre les démarches administratives pour s’engager officiellement dans le processus de conversion.

Effectuer une demande de certification
Pour être reconnu et pouvoir commercialiser ses produits sous l’appellation « agriculture biologique », le vigneron doit faire une demande de certification auprès d’un organisme agréé.  Il en existe sept en France : Bureau Alpes Contrôles, Bureau Véritas, Certipaq Bio, Certis, Certisud, Ecocert ou Qualisud. « Il est fortement conseillé de demander des devis aux différents organismes certificateurs. Il vous faut ensuite signer l’engagement auprès de l’organisme de votre choix » précise Emma Carrot, vigneron au Domaine l’Ermitage à Saint-Gilles.

La notification
En parallèle de son engagement auprès d’un organisme, le vigneron doit obligatoirement notifier sa conversion à l’Agence Bio. Le début de la conversion correspond à la date d’engagement des parcelles auprès de l’organisme certificateur ET à la notification auprès de l’agence Bio.

Les aides à la conversion bio
Tous les vignerons engageant partiellement ou totalement leur exploitation en conversion bio peuvent bénéficier d’aides ou de crédits d’impôts. L’aide à la conversion est versée pendant 5 ans à compter de la date d’engagement en bio. « L’objectif est de soutenir économiquement les vignerons dans leur période de transition qui nécessite des investissements spécifiques et peut entraîner une baisse des rendements » explique la conseillère de la Chambre d’agriculture.

Changer ses habitudes de production

En parallèle de ces démarches administratives, le vigneron doit peu à peu changer ses habitudes de production pour être en conformité avec la réglementation européenne de l’AB. Or, la conduite d’un vignoble en AB ne se réduit pas seulement au respect d’une liste d’intrants autorisés ! La réussite d’un projet en AB nécessite une bonne maîtrise du vignoble mais également du matériel adapté.

Une parfaite maîtrise du vignoble
En agriculture bio le vigneron ne peut travailler qu’en préventif. Il doit donc avoir une parfaite connaissance de son vignoble pour anticiper de manière efficace les premiers signes de déséquilibre ou de maladie. « En agriculture bio, nous devons être en permanence à l’écoute de la vigne. Le travail de prévention est beaucoup plus conséquent que dans le conventionnel » souligne Julien Salles, producteur au Château Armoria à Laure-Minervois, dans l’Aude.

Investir dans un nouveau matériel
En viticulture biologique les désherbants ne sont pas autorisés. Pour pallier cette interdiction, les vignerons n’ont pas d’autre choix que de travailler les sols notamment à l’aide d’interceps, montés sur tracteur. Ils doivent par ailleurs maîtriser de nouvelles techniques telles que l’ébourgeonnage et l’épamprage. Or, ces méthodes culturelles nécessitent d’investir dans du matériel parfois coûteux. « Ce n’est pas évident de changer radicalement son mode d’agriculture, et cette phase de transition peut être plus ou moins fastidieuses. Néanmoins, ces efforts sont nécessaires » affirme Maurice Goetschy, propriétaire du Château Boucarut à Roquemaure.

Des contrôles et visites régulières

En parallèle des modifications de ses pratiques sur le vignoble, le vigneron doit faire régulièrement contrôler sa structure.

Un premier contrôle des pratiques
L’organisme de certification sélectionné se déplace au domaine pour vérifier que les pratiques mises en œuvre sur le vignoble sont en conformité avec le cahier des charges européen. « La première visite sert simplement d’évaluation préalable. Parfois, les contrôleurs prennent des échantillons du sol, pour ensuite comparer les évolutions et vérifier que les efforts fournis par le vignoble concernant la conversion portent leurs fruits » rassure Emma Carrot, conseillère viticole à la Chambre d’Agriculture de l’Hérault (voir page 9). À chaque fin de visite, un rapport est remis au vigneron dans lequel le contrôleur note les efforts à poursuivre ou les écarts constatés avec le cahier des charges.

Un domaine n’obtient pas la certification en agriculture biologique à vie. Il est soumis à des contrôles et audits réguliers, pour vérifier qu’il continue à respecter les normes de ce mode de culture. Si un aspect fait défaut, le vigneron est notifié et dispose alors d’un temps limité pour se mettre aux normes. S’il ne respecte pas les exigences, il peut perdre son label.

Une conversion qui prend du temps

La phase de conversion d’un vignoble dure ainsi 3 ans. « C’est le temps moyen nécessaire pour pouvoir adapter sa culture de la vigne et ses méthodes de vinification » affirme Jérôme Castillon, vigneron au Domaine l’Ermitage à Saint-Gilles.

Une période de transition indispensable
Cette période de conversion correspond également à la transition entre un mode de production conventionnel et une agriculture biologique. Elle est donc indispensable. Elle permet ainsi d’enclencher les changements des cycles de vie des animaux, des plantes et des organismes qui vivent sur et dans le sol. « Cette période de conversion est finalement nécessaire car elle permet de laisser le temps d’épurer les sols d’une partie des divers résidus chimiques plus ou moins persistants » ajoute Julien Salles, producteur au Château Armoria à Laure-Minervois, dans l’Aude.

Une mention bio bien méritée
Un vigneron en conversion ne bénéficie pas immédiatement de la mention « bio » pour ses produits. Aucune référence AB n’est en effet possible durant les 12 premiers mois de conversion. Les produits récoltés entre le 12e et le 36ème mois de conversion pourront toutefois porter la référence « Produit en conversion vers l’agriculture biologique » ou le logo CAB (voir ci-contre). Après le 36e mois de conversion, la mention « produit de l’agriculture biologique » et l’utilisation du logo AB sont enfin autorisés.
« La conversion nécessite 3 ans de pratiques culturales et de vinification bio mais le vin, lui, ne peut être certifié bio qu’à partir de la 4e vendange. Or, si on compte encore une année d’élevage pour les vins rouges, finalement certaines cuvées ne seront commercialisées en bio qu’au bout de cinq ans », souligne Jérôme Castillon, vigneron au Domaine l’Ermitage à Saint-Gilles.

Un logo pour les vins en conversion
Un nouveau logo permettant aux consommateurs d’identifier les vins en conversion vers l’agriculture biologique a été créé l’an dernier par Sudvinbio. Ce logo baptisé CAB pour « Conversion vers l’A.B. » constitue pour les vignerons en deuxième et troisième année de conversion, un véritable outil de valorisation de leurs vins. Il offre également un accompagnement sur une période transitoire, souvent difficile. « Grâce à ce logo, les vignerons ou négociants qui sont dans une démarche de certification bio pourront avoir un revenu complémentaire dès leur deuxième année de conversion. C’est essentiel pour les aider à passer le cap » assure Patrick Guiraud, président de Sudvinbio. Cette rémunération est assurée par les metteurs en marché impliqués qui se sont engagés à valoriser ces vins à un niveau presque équivalent à celui des vins certifiés bio. La démarche est soutenue par la région Occitanie.
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